Je vois que la guéguerre en matière de régulation est toujours vive et qu’hélas elle a encore de beaux jours devant elle. Si je n’entretiens pas l’espoir d’y mettre un terme définitif, je vais au moins tenter de m’y positionner. Voici donc ce que j’en pense.
À la question « la pression de chasse est-elle la plus grande responsable de la régression des effectifs de faune chassable? », je répondrais « non », bien sûr que non: Je dirais même que son impact se positionne loin derrière les plus grandes responsabilités (historiquement et actuellement) que sont les dégradations phytologiques, sylvicoles, acquatiques et atmosphériques, reconnues aussi comme les principales causes du dérèglement climatique et de ses excès modernes (quand tout épisode météorologique s’amplifie). Notons que ces « inconvénients » qui sont les conséquences de l’intensification (sans limites) de l’activité humaine (surtout d’élevage et d’agriculture) deviennent des causes de raréfaction quand on les regardent avec nos yeux de chasseurs de bécasses. Bref, l’effet papillon. Bien peu de gens peuvent rendre compte du nombre d’espèces d’oiseaux qui a complètement disparu de la planète sans que personne ne s’en soucie. Des espèces qui n’ont jamais fait l’objet d’aucune chasse et qui n’ont jamais rencontré de « méchants chasseurs » de leur vivant. Je prendrais juste un exemple à notre portée: l’hirondelle. Nos cieux en sont devenus quasi déserts, eux qui en étaient si habités et animés jusque dans les années 70. Est-ce la chasse qui les a éradiquées?
À la question « la pression de chasse amplifie-t-elle la régression des effectifs des espèces dont le renouvellement ne tient qu’à elles-mêmes (et leur reproduction naturelle) et non à la compensation humaine? », je répondrais « oui », bien sûr que oui: Si sur un potentiel de mille oiseaux, l’impact de l’Homme hors chasse en tue 900, il nous en reste donc 100 pour satisfaire la « distraction chasse » et l’absence de tous ceux que nous « prélèverons » se remarquera davantage que sur l’effectif de mille. L’impact de la soustraction est ici proportionnel. C’est pourquoi je dirais que nous assumons une culpabilité illégitime compte tenu des « grandes responsabilités » mais légitime au regard de la portion congrue qu’il nous reste...
Je viens d’utiliser un mot qui me gène aux entournures et qui est né de la nécessité de redorer le blason de la Chasse auprès du grand public qu’il soit anti-chasse ou neutre. C’est le mot « prélèvement ». Se sent-on mieux quand on a dit « j’ai prélevé... » à la place de « j’ai tué »? De plus, cette terminologie est impropre à la chasse des gibiers migrateurs pour la raison évoquée plus avant. On ne peut prélever que ce que l’on cultive ou élève. On prélève quand on maîtrise les ratios d’un cheptel (comme pour certains grands gibiers). Je terminerais ce chapitre en disant que le PMA pour la bécasse est certes:
malheureusement restrictif et contraignant comme toute règlementation des domaines pêche et chasse
malheureusement voué à devenir de plus en plus restrictif et contraignant
malheureusement trop globalisé sur un territoire national et peu adapté aux territoires régionaux (voire plus ciblés)
malheureusement trop arbitraire car absolument sans aucun rapport avec les données quantitatives et temporaires des populations « visiteuses »
malheureusement trop inégal (et donc ressenti injuste) sur le plan international (européen, pour nous)
Mais on peut aussi le voir comme une première pierre, une préhistoire, un exemple, une pâte à modeler qui devra bénéficier de tous les progrès technologiques en matière d’observation et de suivi pour « grandir » en s’y adaptant de mieux en mieux. On peut le voir comme une base de débat duquel il faudra extraire et retenir tous les avis. Bref, comme dans la Grèce antique, la politique commence sur le forum, et la passion de la bécasse n’y fait pas exception... Nous avons des instances, et comme dans tout champ politique, ces instances, c’est nous! Les discréditer, c’est nous dévaloriser.
Pour conclure, je dirais que cela me navre toujours de nous voir si opposés sur des principes qui manquent d’écoute et de respect. Et plutôt que de nous renvoyer dos à dos, je nous proposerais bien de suivre ce principe là: « ce qui est bon pour moi ne l’est pas forcément pour les autres ». Gardons toujours à l’esprit que l’on pourra difficilement faire se comprendre un chasseur A qui rencontre cent bécasses par saison avec un chasseur B qui n’en rencontre que cinq et un chasseur C qui chasse tous les jours (sauf vendredi) avec un chasseur D qui ne chasse qu’un jour. J’entends même parler de jalousie, je n’ose pas y croire...
Mais aussi bizarre que cela vous paraîtra, ce n’est pas à ceux qui visent les trente oiseaux comme ils font « le plein » que je désire m’adresser. Je préfère garder ma confiance en leur(s) expérience(s). Ces camarades chasseurs se réalisent à travers leurs tableaux et incarnent le principe ancien et tenace selon lequel le meilleur chasseur (ou pêcheur) est celui qui « prend » le plus. Leur reconnaissance en dépend. Mais qui suis-je pour juger sachant qu’on a tous un besoin de reconnaissance ici ou là. Le mien n’est pas meilleur pour autant. Et les choix de responsabilité ont toujours été des affaires très personnelles et très évolutives, comme les mœurs...
Pour ceux qui privilégient le « travail » du chien et pour qui la « prise » de la bécasse est sinon secondaire du moins une validation, j’éprouve un très grand respect aussi. Ceux là filment et photographient davantage... Parfois, dans le développement de leur crédo, il peut leur arriver d’oublier que leur activité fait partie initialement de l’activité chasse. Que cette activité chasse a un avenir très incertain. Que cette activité chasse n’est pas vraiment dans l’air du temps. Que cette activité chasse a et aura besoin d’être défendue. Que cette activité chasse n’a pas la « chance » de sa sœur la pêche d’être praticable « no kill » (quoique, si on les écoute bien). Que cette activité chasse perdra (encore plus) de son attractivité quand la « prise » d’une bécasse sera rendue unique par saison et par chasseur par la loi (pma) et la nécessité de « gérer la pénurie ». Que cette activité chasse n’est pas en premier le champ de l’agility dog. Nous avons suffisamment d’ennemis qui nous font la guerre de l’extérieur, de grâce ne donnons pas dans la guerre civile. Ne nous donnons pas de leçons d’éthique condescendantes. Ne donnons pas des noms d’oiseaux (même et a fortiori bécasse) à ceux qui souhaitent tuer moins pour profiter plus. Et chassons la bécasse, seul ou à plusieurs.