Depuis sa première bécasse, j’ai pensé à le prendre en photo, comme ça, assis ou couché, fier comme un bar tabac, avec la belle à ses pieds, parmi d’autres clichés in situ. Une photo souvenir, quoi. Ça fait partie du rituel, avant ou après le baguage et l’enregistrement réglementaires. Il suffit de lui dire « assis » et d’attendre qu’il regarde l’objectif. Mais comme il ne regarde jamais l’objectif, il faut trouver le truc, oral ou visuel, qui permet de réussir cet exploit sans y consacrer le reste de la sortie. Mais un bon conseil: surtout éviter de dire « le petit oiseau va sortir »...
Pour revenir plus sérieusement à mon chien, et à son calme apparent, je dirais tout de go que jamais je n’aurais pensé, pendant l’été, qu’il puisse aller aussi vite et aussi loin dans ses progrès et ses apprentissages. Je n’ai pratiquement plus rien à lui reprocher, ou à corriger, et juste à m’émerveiller devant ce rêve éveillé. Et tout le mérite revient au chien car je dois avouer ne pas y être pour grand chose. J’ai surtout suivi les conseils d’un très grand dresseur dont je partageais déjà les manières et qui tiennent en peu de mots, pour la première année (de chasse): intervenir le moins possible, observer le plus possible, comprendre « la carte » psychologique du chien, ne pas brider (pour cause de quête ou de contact), ne pas vouloir modéliser, établir une relation de confiance... Donc, en ce qui nous concerne, Névé et moi, je dois avouer que tout cela a très bien correspondu à ma fainéantise innée et que je peux m’estimer heureux d’avoir à suivre un tel cadeau. Je l’ai eu pour Noël, ça doit être pour cela. L’avenir me dira si je me trompe mais j’ai le pressentiment d’être tombé sur un « grand chien ». Quand je l’ai choisi dans la portée, son éleveur m’a dit et montré que c’était le plus dégourdi, le plus hardi, et le premier à découvrir la réserve de croquettes. Depuis, je m’étonne chaque jour de sa capacité à résoudre (vite) ses problèmes, à demander de la confiance en son indépendance et surtout de son acharnement à trouver. D’une lignée de grande quête et de chiens « de montagne » (s’il en est), il mélange le sprint, le marathon et l’escalade dans un triathlon qui dépasse l’entendement. C’est pour lui chaque fois un drame quand je « décide » qu’il est fatigué et qu’il est temps de retourner dans la voiture: c’est la fin du monde dans son regard (comme chez tous les setters, bien sûr). Quant à ses arrêts sur bécasses, il les a très rapidement affermis dans une addition d’autorité et de prudence qui fait que j’ai (presque) toujours le temps de le rejoindre et de bien me placer. Bien évidemment, et fort heureusement, certaines roublardes (souvent à la relève) se chargent de lui donner quelques leçons et de lui montrer le chemin qu’il lui reste à parcourir, mais compte tenu de la plus grande légèreté des bécasses en milieu montagneux (?), il s’en sort déjà très bien. Il m’arrête aussi quelques coqs (de gruyère, hein) quand je prospecte un peu trop haut. Je n’interviens presque jamais et je le sens garder le contact et le lien avec moi, dès qu’il en a le temps. J’ai beau chercher, il ne lui reste encore que deux défauts de jeunesse sur lesquels je garde un œil bienveillant mais vigilant. Il aime encore les petits oiseaux. Et il ne peut s’affranchir (ou alors c’est moi) de son collier électrique dont je ne me sers quasiment pas (et jamais de « électrochocs ») comme si cette laisse fictive était indispensable. C’est le Garmin pour chien courant de son frère le Teckel Michka avec qui il le partage. Je sais, c’est pas très réglo mais très économique, et j’espère pouvoir m’en passer bientôt.
Notre seul ennemi étant la neige, ici haut, nous sommes tous au repos forcé (ou aux intempéries) et c’est pour ça que je vous écris si longuement pour vous dire à quel point mon Névé m’apporte du bonheur. C’est Noël tous les jours. J’ai failli l’appeler ainsi...
PS: sur cette image, bécasse n°2, il arborait un Garmin upland beeper, mais il ne l’a plus car le beep ne convient ni à lui ni à moi (je ne juge pas)