Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans... Eh, oui, c'était l'après-guerre, vers 1950, à Argentan, ma ville natale, durement touchée par batailles et bombardements. Les Allemands, en partant, avaient laissé des stocks de munitions et il n'était pas rare de trouver obus, grenades, balles et autres "souvenirs" particulièrement dangereux auxquels certains (dont un de mes camarades) ont payé un lourd tribu.
Mon père avait récupéré plusieurs caisses de poudre ( à mortier, je crois ). Je revois encore les boîtes cylindriques contenant des sortes de croissants de celluloïd pleins de poudre et celles, cubiques, dans lesquelles étaient rangées des capsules demi-sphériques jaunes contenant à peu près la même poudre.
Pas besoin de vous expliquer que les chasseurs faisaient leurs cartouches à cette époque et que, poudre et plombs étant rares et chers, ils se débrouillaient avec les moyens du bord. Cette réserve de poudre était donc une aubaine. Je revois la dosette à poudre dont mon père avait réduit la capacité et les plombs goutte d'eau faits en versant du plomb fondu dans une passoire. Mieux encore que le cubique sans doute !
Mais je reviens à la poudre. J'avais, en fouinant dans le grenier, découvert les fameuses caisses ! Je ne sais pas où j'avais appris le mode d'emploi de la poudre, sans doute dans un illustré, mais je me suis livré à quelques expériences au fond du jardin, à l'abri des regards (et des coups de pieds au derrière).
L'expérience ne valant rien si on ne la partage pas, j'avais un jour invité un copain au spectacle. Après quelques démonstrations, il a essayé d'enflammer une capsule en utilisant une loupe. Agenouillé, penché pour maintenir le faisceau lumineux au bon endroit, il a dû trouver que ça ne venait pas assez vite et a relâché son attention... La capsule s'est enflammée brusquement... Malgré un saut en arrière, il s'est retrouvé avec les sourcils un brin raccourcis et frisottés au bout ! Il avait eu chaud, vraiment !