«Mais que fait donc la police?» entendons-nous souvent. Aujourd’hui nous avons l’esquisse d’une réponse grâce à une mésaventure. Saviez-vous que de dangereuses criminelles, de notables terroristes exerçaient leur activité depuis plus de vingt ans sur le site de l’université de Lausanne ? Et ce le samedi et le dimanche ? Nous allons vous conter l’affaire.
Or donc le 6 janvier de cette année, Thérèse s’en fut promener sa chienne Bonnie, 9 mois, à l’université. Bonnie est jeune, elle venait de passer trois semaines en laisse pour cause d’œstrus et sa compagne de vie pensait donc qu’elle avait envie de courir et de gambader dans les champs et les bois. Bonnie fit ainsi et alla dans la petite allée adjacente à la bibliothèque. C’est là qu’elle se transforma en criminelle. Mais n’était-elle pas prédestinée, de par son nom, à enfreindre la loi, pire à se moquer de ses représantant-e-s ? Toujours est-il qu’elle vit une corneille sur un arbre perchée. Elle courut au pied de l’arbre, se mit sur ses pattes de derrière imitant Renard et s’enorgueillit de son bel organe. Thérèse, sa complice, continua tranquillement d’avancer sans l’appeler, sans essayer de l’en dissuader.
Heureusement la police était là, prête à intervenir pour sauver les fragiles êtres en danger. La voiture dépassa Thérèse, freina brusquement, s’arrêta devant elle pour que Robocop puisse en surgir. Un jeune Pandore, frais émoulu de l’Académie, sortit de la voiture. Sanglé dans son uniforme, il devait porter un gilet pare-balle - ce que l’on peut comprendre, vu la dangerosité de sa mission - et était armé comme dans une série B. Il apostropha la délinquante : «Rappelez votre chien et mettez-le en laisse !» Thérèse obtempère mais Bonnie n’en a cure. Elle est libre Bonnie ! et pense (comme Robocop) qu’on va la voir voler ! Thérèse appelle une fois, deux fois, trois fois puis sort son arme secrète. Elle tend un bout de croissant à Bonnie qui se dit que faute de corneille elle mangera une viennoiserie. Thérèse rattache Bonnie et se dit qu’elle est bonne pour un sermon, voire un avertissement. Que nenni.
Robocop : «Vos papiers !»
Thérèse : «Ils sont dans la voiture au parking.»
Robocop « Allez à votre voiture, je fais le tour et vous rejoins.»
Thérèse et Bonnie repartent à pied en direction du parking pendant que la voiture de police fonce vers la grand’route et reprend l’entrée principale pour arriver au parking et en bloquer la sortie. Thérèse présente son passeport français qu’elle utilise systématiquement comme pièce d’identité. Robocop s’exclame : « C’est un passeport étranger ! Vous êtes étrangère ! Permis de conduire !» Thérèse de protester qu’elle n’était pas au volant de sa voiture et qu’elle n’a donc aucune raison de présenter son permis de conduire. Robocop : «Vous êtes étrangère ! Je veux un permis de conduire.» De délinquante, la voici passée à criminelle, terroriste, voleuse de voiture, dealeuse, enleveuse d’enfants, cheffe de gang. La voiture de Robocop empêchant toute sortie et le rapport de force étant ce qu’il est, Thérèse sort son permis de conduire, un beau bleu suisse qui devrait rassurer. Elle ne pense pas à demander à Robocop son numéro matricule, ce qu’elle aurait fait en France, mais fait remarquer que nous sommes à un mètre du panneau indiquant que les chien-ne-s peuvent se promener librement. Robocop réplique que ce n’est pas parce que le chien n’était pas attaché mais parce qu’il chassait,
Robocop dénonça donc le couple infernal Bonnie and Thérèse, plus dangereux que Thelma et Louise, à la préfecture de Morges qui s’empressa d’enquêter et de punir ce crime et délit.
Thérèse reçut en mars une lettre recommandée de la préfecture :
Le préfet vu la dénonciation de Thérèse M...... par la police de Chavannes-p-Renens du 12.01.2007, pour avoir le 06.01.2007, à 9 :30, à Ecublens, forêt de Dorigny, avoir laissé errer votre chien en liberté dans une zone de faune, sauvage, mettant ainsi en danger la tranquillité d’autres animaux, en violation des art. 2 et 20 de la loi sur la faune, 67 règ.sur la faune et 31/4 Ord. sur la Protection des animaux conformément aux articles 70 et sv de la loi sur les contraventions et faisant application des articles 77 de la loi sur la faune et 106 CP,
I. constate que Thérèse M....... s’est rendue coupable d’infraction à la loi sur la faune ;
II condamne Thérèse M..... à une amende de CHF 100.00 (cent) ;
III. Dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 1(un) jours (sic) ;
IV. Met les frais, par CHF 30.00 à sa charge (détail au verso)….
Au verso était aussi la raison des frais, la préfecture était allée chercher l’arbre généalogique de la coupable. On trouve sur le document le nom de ses père et mère, son lieu et date de naissance. Mais, ignorance ou incapacité, elle n’est que veuve de… Etait-ce pour ne pas salir une mémoire?
Le plus simple sera de payer l’amende mais que se passerait-il si toutes celles et ceux qui reçoivent des amendes aussi surréalistes allaient plutôt faire de la prison ou une peine de substitution. Peut-être aurions-nous des guides des prisons (cela existe en France voisine), nous pourrions nous plaindre de la nourriture, du confort. Plus sérieusement, si les peines de substitution sont intelligentes et utilisent les capacités des gens, faire quelque chose de plus pour la collectivité.
Payons donc sans rechigner pour une police qui patrouille une université déserte le samedi matin, qui dénonce les mamies criminelles, véritables panthères grises avec leur chienne dangereuse, et permettent au péril de leur vie de faire grimper les statistiques de la lutte contre le crime et l’incivilité .
Payons pour que la faune ne subisse plus les aboiements de vilain-e-s congénères et que dans une nature propre en ordre, les corneilles puissent bayer avec la police, que la faune toute entière soit bercée du doux bruits de moteurs répandant leurs exquises effluves de gasoil et d’essence. Oui le bonheur sera dans le bois.
En attendant, beaucoup trembleront en voyant ce poster :

MOST WANTED BONNIE DEAD OR ALIVECHF 130
Il faut ajouter que Robocop estimait qu’un garde-chasse (y en a-t-il sur le campus ?) aurait abattu Bonnie et qu’une amende était donc une faveur faite pour le nouvel an.
Si j’avais le talent de Courteline, j’aurais fait une comédie, si j’étais Jeanne de Lafontaine j’aurais écrit La Corneille et le chienne, moi je ne peux que penser à Brassens...
T M, Pully, mars 2007