24 janv. 2010 12:12
Le mitron, le chien et la bécasse... ( Blue, le 23 janvier 2010)
Tous les ans à la même époque, Guitou, mitron de son état, bécassier du Périgord, délaissait son fournil, fièvre mordorée oblige... avec la bénédiction de son patron, mon père !!!
Mon père avait entre autres qualités celle d'être un boulanger de campagne et un patron compréhensif qui, bien avant les avancées sociales, avait validé 2 bonnes semaines de congés supplémentaires par an à son mitron.
Ces RTT avant l’heure fluctuaient en fonction de l’arrivée des palombes, de la migration des bécasses et de l’ouverture de la truite. Pour la truite c’était facile, mais pour les flux migratoires c’était beaucoup moins précis.
Voilà donc l’histoire de du mitron et de Lady, setter Gordon dont les origines imprécises ne l’empêchaient nullement d’être particulièrement affutée à la chasse, et roublarde ….
Le Guitou (par chez moi ont dit « « le » Guitou comme terme d’appartenance à la famille ou au cercle connu du village..) le Guitou donc, accompagné de Lady, jeunette et dégourdie, ravigoté par la saison qui s'annonçait belle, parcourait en connaisseur son bois familier, autant pour les cèpes que pour les bécasses dont il surveillait l'arrivée autant que sa fournée !
Ce jour là, en début de saison quand même, Saint Honoré accompagné de Saint Hubert n’étaient pas de trop …
La voiture étant laissée très loin de l’entrée du chemin de droite, il était parti à gauche (eh oui.. dés fois qu’on sache par où il était parti..)
Lady soudain frémit de l’échine, du nez et s'immobilise... Le Guitou suspend son souffle, écoute, avance d'un pas. Lady ne bouge pas, un autre pas : rien, rien ne décolle, rien ne lui soulève la casquette en partant !
Lady le regarde, elle insiste. Guitou scrute, observe le moindre indice. Rien !!! Il tourne, contourne, repart, attend…
Il engueule Lady , lui expliquant qu'elle n'est pas réveillée, qu’elle n’est bonne à rien, et que ..et que... Miladioù de miladioù, la bécasse ne peut pas être là ! Lady coule d’une patte et se statufie sur place ! Il écoute, regarde... un coup de botte ici ou là... Rien ! Un peu furieux, un peu dépité, il rappelle sa chienne et s'apprête à tourner les talons.
Lady, alors s'assoit sur son derrière, jappe sévèrement, et de derrière le tas de fougères s'envole la belle ! Guitou échappe une bordée de jurons salés et bien sûr, ne peut pas tirer, empêtré qu'il était, pas du bon côté, trop tard etc.
La setter le regarde alors intensément et se met à aboyer furieusement, l'engueule et rentre directement à la voiture... vexée !
Ce ne fut qu'après force caresses et négociations qu'elle accepta de retourner chasser en compagnie de son maître ce jour-là !!
Depuis ce jour, Le Guitou, eh bien, il voua une confiance aveugle à sa chienne ! Et il rentra rarement sans gibier.
Noble Lady, elle repose depuis bien des années entre chênes et châtaigniers, quelque part dans ce bois, à l'endroit précis où elle avait engueulé son maître.
Il a eu depuis d’autres setters : écossais ou anglais, mais jamais il n’est passé près du châtaignier sans un coup de casquette à Lady.
Le mitron continue à chasser la bécasse, mais ni lui ni moi n'avons oublié Lady car trente ans après, à chaque nouvelle saison, il ne manque pas de me raconter cette histoire …célèbre au village.
Cette année à la maison seul mon père ne l’entendra plus.