J'ai grillé mes premières cartouches avec un petit groupe de chasseurs parmi lesquels un fermier, copain avec le "piqueux" d'un équipage de chasse à courre. Ce dernier, lorsqu'il ne chassait pas à cheval, organisait les rabats dans une chasse privée, réservée à de "gros" personnages politiques ou financiers.
Si bien qu'un dimanche, nous nous sommes retrouvés, le fermier, le piqueux et moi, qui n'avais quasiment jamais vu un sanglier de près, rabatteurs dans cette chasse, presque présidentielle.
En entrant dans la propriété nous passons devant un parc d'élevage où les copains me font remarquer "Moïse", un cochon énorme, armé comme un samouraï, avec en plus un air que j'ai trouvé ... vicieux.
Au bout de la petite allée (la principale n'étant pas pour nous), nous sommes accueillis par le maître des opérations. Quelques explications et sans plus attendre, on nous fait monter dans la remorque du tracteur qui nous emmène sur un grande allée où nous nous alignons. J'avais quand même pris soin de rester entre les deux copains qui, eux, étaient vaccinés (le piqueux l'ayant d'ailleurs été au sens propre plusieurs fois)...
Après un moment d'attente, coup de trompe et en avant, en ligne à 20m l'un de l'autre. Comme les copains, je lançais des "Ah,ah", "oh,oh", ponctués de coups de pibole. Le sous-bois ici n'était pas trop dense, les animaux devaient bouger bien avant notre arrivée et je n'en vis pas un. Quelques coups de carabine de l'autre côté du carré signalèrent la sortie d'un ou deux sangliers.
En arrivant sur la ligne, nous retrouvons notre tracteur et en route pour un autre carré. Les tireurs étaient sans doute déjà acheminés sur leurs postes. Même scénario, sauf que le terrain était nettement différent. Du taillis, du gaulis, et une queue d'étang avec des grands roseaux au milieu desquels on ne voyait pas à trois mètres. Je criais et sonnais de la pibole de bon coeur, attentif à ne pas perdre les copains que je ne distinguais évidemment plus. Et "pan ! pan ! pan !" "Ah, ah,ah !" "tututut" et pétarades devant encore... Et ces p
.... de roseaux !... Enfin, du clair et la ligne. Les tireurs sont encore là, parmi lesquels une assez jeune et jolie femme, dont le chapeau type australien était cerclé d'un ruban en (imitation de?) peau de léopard. Et le patron qui vient vite vers nous: "Les enfants, Madame X a blessé un énorme cochon, il est reparti sur vous, il doit être dans la queue de l'étang... Il faut le refaire. Montez vite !". Pas question de se dérober, il faut monter, s'aligner encore et y aller. Coup de poisse, je me retrouve encore dans la direction des roseaux ! Eh bien, je vous ai joué un de ces concertos de pibole, avec un crescendo dans les roseaux ! Je voyais des Moïse partout, 
troncs de saules tombés, tas de joncs pourris... Le cochon n'a pas été retrouvé. On a encore rabattu sur deux ou trois parcelles puis retour vers le château, où nous attendait un généreux casse-croûte, heureusement bien arrosé car au début j'avais la gorge un peu sèche (la pibole sans doute).
Fin de l'histoire: la chasse, aux dires du patron et des copains, n'avait pas été terrible, je crois qu'il n'y avait que quatorze cochons au tableau. Je ne sais pas si la Diane a mis une autre pièce à son palmarès. On m' a dit plus tard qu' après son coup de carabine elle avait tout posé et était partie en courant derrière son sanglier ! Vrai ou faux, je ne sais pas, mais c'est pas moi qui aurais tenté ça !
Alain, encore une belle histoire savoureuse 
