A deux reprises j’ai eu l’insigne privilège de connaître les affres du soldat en campagne pris sous un tir ennemi…
Une fois à la pêche, l’autre fois à la chasse….
Voici la première de ces deux histoires :
Celle ci s’est passée il y a pas mal de temps, quand je pêchais la truite avec un ami sur la Vègre du côté de Loué dans la Sarthe…
Au cours de nos parties de pêche, nous avions remarqué un profond remous , déversoir d’un ancien moulin passablement délabré dont la roue bloquée pourrissait tranquillement. Et dans ce déversoir croisaient des truites de bonne taille dont certaines devaient approcher le kilo. Ce lieu était protégé par des pancartes menaçantes, grossièrement peintes en lettres majuscules : « Propriété privée », « entrée interdite »…etc…
A force de voir ces poissons qui nous narguaient, nous nous sommes demandé si, avec un peu de diplomatie, nous ne pourrions pas parvenir à obtenir le droit des les taquiner.
Les renseignements pris n’étaient pas très encourageants : Le propriétaire était décrit comme un misanthrope mauvais coucheur qu’il était prudent de ne pas provoquer…
Nous avons pris notre courage à deux mains et nous sommes allé le voir.
Comme pour beaucoup de fermettes de ce département (et de toute la Normandie d’ailleurs), on accédait au bâtiment, une fois la barrière passée, en traversant une prairie d’une vingtaine de mètres de large plantée de pommiers à cidre communément appelée « le clos »….
Nous sommes reçus par un personnage mal rasé, les cheveux en bataille, au teint rougeaud et aux lèvres violacées, respirant son emphysème avec un bruit de soufflet de forge, à l’œil glauque et au ventre rebondi traduisant une cirrhose déjà bien entamée…
Il nous a instantanément offert un café, dont le calva tenait la plus grande part, puis quelques autres…
« Mais oui, pas de problème, vous venez pêcher quand vous voulez !!!
Allez, on reprend un café… »
De bonne heure, le lendemain matin, nous nous présentons à la barrière avec tout notre attirail.
A peine avions nous poussé la barrière qu’un volet de la maison s’entrouvre dans un grincement, tandis qu’apparaissent les canons jumelés d’un calibre 12…
« Il va tirer !
A plat ventre !!!»
A peine sommes nous le nez dans le gazon que deux coups de feu éclatent et que l’on entend siffler les plombs dans les pommiers au dessus de nos têtes, tandis que des débris de branches et de feuilles nous tombent dessus…
Puis le claquement d’un fusil que l’on ouvre, qu’on recharge et qu’on referme…
Toujours à plat ventre, nous agitons désespérément nos épuisettes …
« C’est nous !!
On s’est vu hier !!
Nous sommes les pêcheurs !!!»
Le volet s’ouvre alors complètement et la tête du bonhomme apparaît, toujours avec le fusil pointé…
« Ah, c’est vous !
Mais qu’est ce que vous faites là, allongés par terre ?
Venez donc prendre un café… »
Je dois dire que nous étions un peu pâlichons et que le café-calva fut le bienvenu…..
Finalement nous avons fait une bonne pêche…..