Venu tard à la chasse, j’ai fait ma première ouverture vers trente ans. Mon entrainement au tir se résumait à quelques cartons à la foire, cartons assez réussis, consolant mon père qui n’avait pas réussi à me transmettre sa passion.
J’avais cependant, l’année précédente, tiré quelques coups d’une carabine 12mm qu’un voisin m’avait prêtée presque de force pour tirer les pigeons qui se posaient fréquemment dans le parc. Ceci m’ayant valu la réputation d’un chasseur potentiel, je fus donc invité à faire l’ouverture l’année suivante avec un groupe de chasseurs qui se retrouvaient chaque dimanche chez un fermier voisin..
Je n’avais pas de fusil et la 12mm n’était pas à moi. Je pris mon premier permis de chasse (à cette époque, pas d’examen, heureusement) et je décidai d’acquérir une 14mm, ne sachant pas trop si j’allais avoir l’envie et l’occasion de chasser après cette première expérience.
Le jour prévu, rendez-vous chez D. Je connaissais les autres invités, habitants du village et relations de travail ou associatives et ne me sentais pas trop « étranger » au groupe. Le café-calva balaya mes dernières craintes et nous nous sommes retrouvés dans la cour, chacun sortant son fusil de l’étui, bouclant sa cartouchière, sifflant son chien. Pour moi, ce fut plus vite fait : carabine directement sortie du coffre et deux boîtes de cartouches dans la poche. Les collègues m’encourageaient : « A l’ouverture, ça ne part pas loin. »
Arrivée du garde fédéral qui vérifie les permis et qui, au vu de mon escopette, pousse un sifflement : « Ça, c’est une arme de vrai passionné ! » (Je n’ai jamais su s’il le pensait vraiment…)
En route ! Chaumes de blé où, à cette époque, on arrivait encore à lever quelques compagnies, carrés de maïs où galopaient les chiens des copains et d’où sortaient perdrix, faisans ou « bossus ». Ah, pour tirer, j’ai tiré, comme à la foire ! L’ennui, c’est qu’ici, la cible bougeait plus que le carton. Quant à tirer « dans le tas » une compagnie de grises, on sait le résultat. A midi, bien qu’ayant lâché pas mal de coups « à belle », j’étais bredouille ! Les copains poliment disaient que la 14, c’était quand même un peu juste, que le gibier devenait plus méfiant d’année en année et partait loin…
Allez, à table ! Et quelle table ! La chasse ouvre l’appétit… et donne soif.
Ce n’est que vers trois heures qu’on repartit « faire » un grand pré terminé par une zone de ronciers. D. passa les consignes : « On avance en ligne. Au bout, toi, Alain, tu entres au milieu entre les deux gros ronciers, il y a un passage. Nous on fait les deux bordures. »
J’avance, seul, vers une sorte de tunnel sous les ronces quand brusquement, sorti de je ne sais où, un coq jaillit et passe juste au-dessus du tunnel. Pan ! Je n’y crois pas ! Il est tombé ! Je cours sous le tunnel, m’arrachant aux ronces qui me retiennent… pas de faisan ! Je tourne, me baisse pour regarder plus loin, rien ! Bon sang, pour une fois que je mets dedans !
« REGARDE AU-DESSUS ! » Je me retourne. Les copains sont à l’entrée du tunnel, hilares et me montrent du doigt, le faisan, accroché aux longues tiges de ronce, et dont la queue n’était pas loin de me chatouiller la nuque !
MON premier faisan ! Quoique, en y repensant, je me suis rappelé que le coup de carabine avait fait beaucoup de bruit…
P.S : Pour réhabiliter la 14… et l’apprenti, le soir, en rentrant à la ferme, j’ai levé une grise. Elle est partie en bout et je me suis appliqué… Eh bien, elle est tombée … et là, j’étais tout seul !