A cette époque lointaine , lorsque j'allais chez le coiffeur, la séance durait un certain temps. Maintenant, c'est plus rapide : on rafraîchit autour des oreilles et pour le reste... on ne touche pas !
Comme pas mal de ses confrères, mon coiffeur menait la conversation, sans temps morts : Pêche, hand-ball, jardinage et vieilles pierres, pas trop politique (c'est lui qui tenait le rasoir !) et pas trop non plus potins du village, mais le sujet de la chasse n'avait jamais été évoqué.
Un jour il me dit qu'un de ses clients, cultivateur dans la région, lui avait proposé de chasser sur ses terres mais qu'il était "petit chasseur" et considérait la partie de chasse plus comme une promenade bref, pas vraiment motivé par le gibier. Après quelques considérations sur la beauté des arbres et le bonheur de marcher loin du goudron et des gaz d'échappement, il finit par me proposer une sortie sur ce terrain, pour ainsi dire jamais chassé. Rendez-vous pris, évidemment !
Nous nous retrouvons donc le dimanche matin au lieu et à l' heure prévus et chacun commence à s'équiper. Je sors de l'étui mon superposé et lui extirpe d'une sorte de longue chaussette un fusil, ou plutôt une pièce de musée, crosse usée à souhait, canons plus que piqués et... à chiens ! Et pendant qu'il met dans sa poche quatre cartouches à broche, il m'explique que c'est un héritage de je ne sais qui, qu'il n'a pas souvent tiré avec, et qu'il a du mal à trouver des cartouches...
Allez, en route ! On "fait" un pré avec quelques touffes de refus, en avançant à vingt mètres l'un de l'autre... Il est à ma droite et porte sa pétoire "en baigneur" au creux du coude gauche... et horizontale ! Les chiens dressés me semblent bien menaçants, je ne regarde plus trop devant nous... Enfin, la clôture ! On va passer dans une friche où on risque de trébucher. Pendant les manœuvres, je prends soin de m'écarter de la ligne de tir, je passe à mon tour et me positionne à sa droite cette fois. Mais à chaque accident de terrain qui nous rapproche, il croise et je retrouve les canons dans ma direction ! J'hésite à le lui dire...
Heureusement, la suite du terrain était une succession de petits carrés de maïs et on décida de longer chacun de notre côté et bien sûr de ne tirer éventuellement que le gibier sortant.
J'eus la chance de tirer une grise, c'est le seul gibier qu'on leva, n'ayant de chien ni l'un ni l'autre... je parle bien sûr, d'un bon toutou et pas de ses foutus chiens de fusil !
Je ne sais pas si les cartouches à broche étaient encore bonnes car il n'a pas tiré de la matinée. Mais c'était peut-être aussi bien, vu l'âge et l'état du fusil !