
Et puis, entre deux concours et en attendant les premières mordorées, on peut essayer de rêver ou de rire un peu.

A part donc dans le poil d'un setter, j'ai réussi à piquer mes hameçons un peu partout, comme bon nombre de mes collègues. Je passerai sur les dégâts causés au règne minéral ou végétal et me contenterai de mes rencontres avec le règne animal hors poissons.
Pour faire original, je vais commencer par la première... mais c'est pour montrer une certaine vocation...
J'avais une dizaine d'années peut-être un peu moins, à l'époque où on pouvait encore galoper dans les prés à la périphérie des petites villes. Un jeudi (oui, c'est vieux) avec les copains, on décide d'aller vers la forêt en passant par les champs en face de la maison. L'un d'eux, qui connaissait, nous avait parlé d'une mare avec des tritons et peut-être des poissons...
Des poissons ! Faut du matériel ! Mon père fabriquait lui-même ses cuillers à brochet, avec du cable de frein de vélo, des perles récupérées sur les tas de déchets du cimetière et des paraboles de phares qu'il découpait. A l'époque, il y avait de gros brochets dans l'Orne et Papa, qui ne faisait pas dans la dentelle, les armait de triples de taille à sortir le monstre du Lochness. Je ne sais pas ce qui m'a pris ce jour-là, j'ai piqué une cuiller dans le tiroir de la vieille commode, je l'ai mise dans la poche de derrière de mon short (oui) et j'ai rejoint les copains...

Ah! la belle galopade, la liberté dans les grandes herbes, l'air pur, la jolie mare, les grenouilles,- autre chose qu'une GameBoy entre nous - les tritons à ventre orange, les nèpes... UNE POULE D'EAU qui rentre dans un buisson à la rive sous mes pieds ! Je saute, tombe, le derrière sur un caillou sans doute... passe la main ... bon sang, la cuiller ! Je remonte sur le pré, ça tiraille derrière quand la culotte bouge, je tire un peu mais n'y vois rien et ça ne vient pas, j'explique aux copains qui essaient de m'aider (pas doux les copains, j'espère qu'aucun d'eux n'a fait médecine plus tard)... Je commence à pâlir, on décide de rentrer.

Pour, si possible, éviter de me faire "féliciter" en arrivant à la maison, on passe chez les parents d'un des copains. Sa mère essaie de sortir l'hameçon mais rien à faire !


Je rentre à la maison, la main dans la poche de derrière et je dois bien avouer mon larcin et l'escapade. Maman me passe le savon prévu mais compâtit devant mon teint de plus en plus pâle. Elle essaie bien sûr de sortir l'engin et comme elle n'a pas de prise, elle tente de coincer la branche libre avec ses ciseaux. Là, les lames s'écartent et couchent l'hameçon : je hurle !



Heureusement, ma tante qui passait par la maison, et qui avait ses entrées chez le bon Dieu et son personnel, nous conseille d'aller (la main toujours dans la poche) au dispensaire où soeur Machin, après avoir coupé les deux branches du triple, réussira à me débarrasser de l'ornement totalement inutile et fichtrement désagréable.
Il paraît que nombre de ses consultants lui demandèrent plus tard ce que c'était que ce drôle de pompon rouge qu'elle avait sur son bureau ... moi, je n'y suis jamais retourné.